Quand
un Etranger se voit opposer un refus de délivrance d’un titre de séjour,
assorti d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), tout n’est
pas perdu pour autant. La décision de la préfecture peut être contestée au
moyen d’un recours contentieux en annulation devant le tribunal administratif
compétent. Il en est de même pour la décision implicite de rejet, c’est-à-dire
lorsque l’administration ne répond pas dans le délai légal de quatre mois pour
toute demande de titre de séjour (première demande ou demande de
renouvellement). Il résulte en effet de l’article R.432-1 du code de l’entrée
et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA dispose que le silence gardé par l’administration sur
les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet.
Il arrive ainsi que l’administration fabrique des
« sans-papiers » à l’endroit des Etrangers ayant déposé une demande
de renouvellement de titre de séjour avant la date d’expiration de validité de
leur titre initial, mais pour lesquels l’autorité préfectorale n’a pas répondu
à leur demande, les plaçant ainsi dans une situation très préjudiciable aux
conséquences catastrophiques (perte d’emploi, perte de logement, perte des
droits sociaux, déscolarisation, etc…) empêchant les Etrangers de vivre dignement
dans le pays d’accueil.
Dans
la mesure où les Etrangers ont des droits fondamentaux à faire valoir, que tous
doivent respecter, au premier l’administration sur la question de la délivrance
d’un titre de séjour, tout l’enjeu est de savoir ce qu’il faut faire à ce stade
pour échapper aux mesures d’éloignement.
I.- Le tribunal compétent
Un recours contre une obligation de quitter le territoire français est possible devant le tribunal administratif compétent. La compétence du tribunal administratif est de déterminer au regard de la préfecture dont le demandeur dépend.
Exemple :
Paris (ville de Paris), Versailles (Essonne, Yvelines), Montreuil
(Seine-Saint-Denis), Melun (Seine-et-Marne, Val-de-Marne), Cergy-Pontoise
(Hauts-de-Seine, Val-d’Oise).
II.- Le délai pour exercer le recours
Le recours devra impérativement être envoyé dans un délai de 30 jours suivant la notification de la décision d’OQTF lorsque :
▪
la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour a été refusé à
l’Etranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été
retiré ;
▪
le récépissé de la demande de carte de séjour ou l’autorisation provisoire de
séjour qui avait délivré à l’Etranger lui a été retiré ou le renouvellement de
ces documents lui a été refusé ;
▪
le comportement de l’Etranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis
plus de trois mois constitue une menace pour l’ordre public ;
▪
l’Etranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de 3 mois a
méconnu l’article L. 5221-5 du Code de travail.
Le
recours doit impérativement être envoyé dans un délai de 15 jours suivant la
notification de la décision d’OQTF lorsque :
-
l’Etranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire
français, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de
validité ;
-
l’Etranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de
validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à
l’expiration d’un délai de 3 mois à compter de son entrée sur le territoire
sans être titulaire d’un premier titre de séjour régulièrement délivré ;
-
l’Etranger n’a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire
ou pluriannuel et s’est maintenu sur le territoire français à l’expiration de
ce titre ;
-
la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection
subsidiaire a été définitivement refusée à l’Etranger ou si l’étranger ne
bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français, à moins
qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité.
Ce
recours obéit à des règles de procédure principalement issues du droit
administratif et du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit
d’asile (CESEDA).
III.- Un recours contre une décision « divisée » en trois parties
L’OQTF se présente sous la forme d’un acte unique qui intègre plusieurs décisions. A sein de cette décision, un premier article informe l’étranger que sa demande de titre de séjour est refusée. Un deuxième article précise qu’il doit quitter le territoire français dans un délai d’1 mois ou sans délai. Enfin, un troisième article indique le pays dans lequel l’Etranger est renvoyé.
Le recours contre cette décision doit donc revêtir la forme d’un recours contre 3 décisions. La mise en forme du recours suit une architecture logique et pratique. Pour un néophyte, la rédaction du recours prendra un certain temps. En revanche, pour l’expert en droit des étrangers, ce sera surtout le travail de classement des pièces qui s’avèrera chronophage.
1.
Le recours contre le refus de séjour
Le recours contre un refus de séjour est un contentieux dit de l’excès de pouvoir, grand classique du contentieux administratif. Par conséquent, il est ici question d’attaquer la légalité d’un acte administratif. Cet acte sera alors contesté sous deux angles : celui de la légalité externe (a) et celui de la légalité interne (b).
(a) Légalité externe du refus de
séjour : Le terme de légalité externe désigne la nature extérieure de la
décision. Peuvent ainsi être attaquées la compétence de l’auteur de la décision
et sa motivation, ou son absence de motivation.
(b) Légalité interne du refus de séjour : L’adjectif interne signifie que, au regard des circonstances de l’espèce, le requérant va démontrer que la loi a été mal appliquée. C’est donc la substance même du syllogisme juridique de la décision qui est attaquée : les faits constituent la « mineure », la règle de droit la « majeure », et l’application de la règle aux faits, la conclusion de la motivation de l’administration. A ce titre, il existe quantité de règles applicables et chaque contentieux d’espèce est, par nature, spécifique. Il faudra alors à chaque fois s’attacher à prouver qu’en fonction des pièces apportées au soutien du recours, la loi a été violée ou mal appliquée par l’autorité administrative. S’il est vrai que chaque cas est différent, la majorité des annulations de refus de séjour par le juge administratif s’opère sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) protégeant le droit fondamental de toute personne au respect de sa vie privée et familiale.
2.-
Le recours invoquant l’illégalité de l’OQTF
Dans le corps du recours contre le refus de séjour, l’Etranger doit invoquer les moyens prouvant que l’administration n’a pas fait une étude correcte du dossier. Dans le recours contre l’OQTF elle-même, à savoir l’éloignement du territoire français proprement dit, ce seront les arguments légaux empêchant l’éloignement de l’intéressé qui seront mis en évidence.
La loi énumère les cas précis dans
lesquels une OQTF ne peut être prise contre un étranger :
- l’Etranger mineur,
- l’Etranger qui justifie par tous
moyens résider habituellement en France depuis qu’il a atteint au plus l’âge de
13 ans,
- l’Etranger qui réside régulièrement
en France depuis plus de 10 ans, sauf s’il a été, pendant toute cette période,
titulaire d’un titre de séjour temporaire portant la mention
« étudiant »,
- l’Etranger qui réside régulièrement
en France depuis plus de 20 ans,
- l’Etranger ne vivant pas en état de
polygamie, qui est père ou mère d’un enfant français résidant en France, à
condition qu’il établisse contribuer effectivement à l’entretien et à
l’éducation de l’enfant,
- l’Etranger marié depuis au moins 3
ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de
vie n’ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité
française,
- l’Etranger qui réside régulièrement
en France depuis plus de 10 ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est
marié depuis au moins 3 ans avec un ressortissant étranger résidant
régulièrement en France, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé
depuis le mariage,
- l’Etranger titulaire d’une rente
d’accident de travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme
français et dont le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 20%,
- l’Etranger résidant habituellement
en France dont l’état de santé nécessité une prise en charge médicale dont le
défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle
gravité, sous réserve de l’absence d’un traitement approprié dans le pays de
renvoi,
- le ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne, d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent.
3.-
Le recours contre le pays de destination
L’Etranger doit démontrer que, en cas de retour dans son pays d’origine, il sera sans doute victime de traitements inhumains et dégradants contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. A l’instar d’un recours dans le cadre d’une demande d’asile, il faudra alors s’attacher à prouver l’éventualité de ces risques de façon aussi détaillée que possible, et faire cette démonstration en expliquant très concrètement pourquoi l’intéressé serait personnellement exposé à des mauvais traitements. En effet, la seule invocation d’une situation générale de troubles dans le pays d’origine n’est pas suffisante.
De surcroît, si l’intéressé a déjà
demandé l’asile politique par le passé mais a finalement été débouté, il devra
alors rappeler ici la procédure d’examen de sa demande et conclure en
démontrant que le rejet de sa requête par la Cour nationale du droit d’asile
n’implique pas l’inexistence de risques pour lui ou pour sa famille restée au
pays d’origine.
A contrario, si l’Etranger sous le
coup d’une OQTF n’avait pas fait de demande d’asile préalable, mais qu’il
existe bel est bien des risques, il lui faudra alors démontrer à la fois
l’existence de ces risques et expliquer au juge administratif les raisons pour
lesquelles l’asile n’a pas été demandé.
IV.-
L’importance du choix des pièces à communiquer au juge
Le choix des pièces est un aspect du
travail de l’avocat tout aussi décisif pour gagner un dossier que l’écrit
lui-même. Cette sélection des pièces pertinentes requiert une attention
particulière, et participe pleinement à la stratégie de défense entreprise.
Certaines pièces ont plus de valeur probante que d’autres (ex : les actes de l’administration). Ce sont celles qu’il faudra apporter en priorité et
mettre en avant. Cependant, les pièces qui, prises isolément, sont considérées
comme moins probantes, peuvent constituer un faisceau d’indices propre à
confirmer l’authenticité du fait avancé (ex : témoignages). En l’absence
de tels document, d’autres preuves sont à prendre en compte (ex :
ordonnances médicales, contrat de location, quittances de loyers, contrat de
travail, etc.).
Un bon dossier est celui pour lequel
on pourra verser aux débats contradictoires un ou deux documents émanant de
l’administration ou de services publics par année, et deux ou trois autres
documents qui confirmeront la présence de l’étranger concerné sur le territoire
français pour telle ou telle année. En outre, il est nécessaire d’évaluer les
avantages et inconvénients de l’apport d’une preuve matérielle.
Enfin, l’avocat rédigeant le recours,
doit veiller à ne pas produire des faux documents ou des documents falsifiés,
que lui aurait remis son client ou n’importe quel intervenant extérieur, ce
qui, d’une part, en plus d’être illégal, le discréditerait aux yeux du juge,
et, d’autre part, aurait forcément une incidence non négligeable sur la
crédibilité du dossier et donc anéantirait les chances de succès du client.
Le succès d’un recours contentieux
repose donc sur le choix des pièces fournies, leur pertinence par rapport à la
contestation de la motivation de l’administration. Il est ainsi essentiel que
les Etrangers effectuent, en amont, un véritable travail de classement de ces
pièces.
En conclusion, s’il est vrai que les étrangers en situation irrégulière sont souvent appelés les « sans-papiers », cette formule paraît mal choisie. En effet, afin d’avoir des chances de succès lors du recours en annulation de l’OQTF ou lors de leur demande de titre de séjour, les étrangers doivent conserver pendant des années l’ensemble des documents prouvent leur résidence en France et leurs liens avec le territoire.
Le Cabinet d'Avocat MEDJNAH intervient spécialement en matière de Visa, Naturalisation & Titres de séjour.